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Carnets de voyage

Une Blanche pas comme les autres

Catherine Dorval prend une pause bien méritée avec un villageois de Kombouari au Burkina Faso, où elle a donné un coup de main aux travaux des champs.
Catherine Dorval prend une pause bien méritée avec un villageois de Kombouari au Burkina Faso, où elle a donné un coup de main aux travaux des champs.

10 janvier 2008

Catherine Dorval, ingénieurs sans frontières

Catherine Dorval est une volontaire d'Ingénieurs sans frontières (ISF). Elle travaille pour l'association Tin Tua dans le cadre du Programme national des plateformes multifonctionnelles, dans la ville de Fada N'Gourma, à l'Est du Burkina Faso, en Afrique de l'Ouest. Elle assure une communication fréquente avec la section d'ISF de l'Université de Sherbrooke dans le cadre d'un partenariat à but éducatif. 

Mardi matin, très tôt, je me lève, on m'attend : je quitte Fada N'Gourma pour quelques jours! Je m'en vais vivre au village de Kombouari. Mon objectif : comprendre davantage les réalités villageoises et tenter de briser quelques barrières culturelles.

Après 13 km de route de terre, le camion de Tin Tua me dépose, le chauffeur me dit au revoir, et, aussitôt, rebrousse chemin. Me voilà maintenant seule sous un manguier, à attendre qu'on remarque ma présence.

Étonnamment, il suffit d'un instant pour qu'un homme, à vélo, hache à la main, vienne à ma rencontre. Il se présente en français… Ouf, je suis sauvée, quelqu'un qui parle ma langue. Il m'amène rencontrer sa vieille (sa mère)! «Biala, toun toun toun toun», s'exclame la maman en gourmanchement, la langue locale. Je réponds timidement : «Fingé». Ensuite, le jeune homme me fait visiter une petite case en terre et me demande si l'endroit me satisfait. Je lui réponds alors : «Un étranger en visite chez le renard se doit de ramper comme le renard.»

Très rapidement, la nouvelle de mon arrivée au village se répand et les gens se rassemblent autour de moi pour me saluer! Les salutations terminées, je demande tout de suite d'aller au champ pour aider aux récoltes. On rit de moi! «Mais il fait trop chaud. Et le soleil? Tu dois rester sous l'arbre pour te reposer. Tu sais comment travailler au champ?»

Après quelques minutes de discussions franco-gourmanchées, je réussis à convaincre une femme de m'emmener visiter ses rizières. En route, nous rencontrons de nombreuses familles qui nous saluent et nous souhaitent la bienvenue. Rendue au champ, j'insiste encore et réussis : la femme me présente un couteau et m'enseigne à récolter le riz. J'essaie de lui expliquer que je suis gauchère et que je suis incapable de tenir l'outil de la main droite, mais elle insiste que je suis dans l'erreur! Je m'efforce donc de tenir maladroitement le couteau de la main droite.

Alors, je tente ma chance, je me plie en deux et me mets à couper le riz. «Ah, y'a rien là!» Première poignée, et dans le seau, deuxième poignée, et dans le seau… cinquantième poignée, et dans le seau! «Il fait chaud! Ah, déjà une ampoule à la main!» Le temps de me lever, de m'essuyer un peu le front, et je remarque que la femme a déjà une dizaine de mètres d'avance sur moi! Après une heure de travail, elle prend pitié de moi, et nous rentrons. Je suis triste de ma performance : j'aurais tant voulu prouver que je n'étais pas une Blanche comme les autres!

Le lendemain, après quelques négociations, je réussis à convaincre une petite fille de m'amener aux champs d'arachides et de pois de terre de sa mère. Non sans hésitation, elle me prête une hache et me montre comment récolter les arachides et les pois de terre. Clairement, elle ne comprend pas pourquoi j'insiste à vouloir aider, et elle me propose de me reposer sous l'arbre pendant qu'elle continue. Je refuse, et continue mon activité. Mais l'histoire se répète : après une heure, je suis épuisée, j'ai de nouvelles ampoules aux mains, et j'ai un coup de soleil au cou! Je vais me reposer sous l'arbre, pendant que la petite de 14 ans travaille! Nous rentrons quelques heures plus tard, je suis déçue de ma performance : j'aurais tant voulu prouver que je n'étais pas une Blanche comme les autres!

Jeudi matin, je me lève, je suis en pleine forme, et je suis prête à prouver que je suis capable de rester plus d'une heure au soleil, à contribuer efficacement aux récoltes. La vieille décide de me faire visiter les champs de sorgho rouge (ressemblant beaucoup au blé et servant à faire de la farine). Déterminée, je prends le couteau et je me mets au travail après une petite formation d'un instant.

C'est bon, je tiens le coup : après déjà deux heures et quelques seaux remplis, je suis encore au travail! (Il est bon de mentionner que, par chance, ce matin-là, les nuages étaient au rendez-vous.) Mais à mon cinquième seau, une femme me voit et me suggère de me reposer un peu; je ne peux pas refuser! Quelques instants plus tard, elle et moi rentrons. Je suis triste de ma performance : j'aurais tant voulu prouver que je n'étais pas une Blanche comme les autres!

Ma dernière journée ne fut qu'histoire répétée : j'aurais tant voulu prouver que je n'étais pas une Blanche comme les autres!

Je suis maintenant de retour à Fada N'Gourma, assise à mon bureau, vous écrivant ce texte. Mon coup de soleil me chauffe, mes nombreuses ampoules me démangent, et les muscles de mon corps ne répondent plus à l'appel. Mais je suis contente et fière de ma performance! Je sais, à présent, que je ne sous-estimerai plus jamais le travail des agriculteurs et des villageois, et donc, que je ne serai plus jamais une Blanche comme les autres!

Et vous?